Véritable icône de l’underground montréalais, Elle Barbara orchestre une performance interdisciplinaire d’une intensité fulgurante. Brillant de tous ses feux — de la danse à la musique, du multimédia à la réinterprétation des récits bibliques —, la chanteuse, performeuse et pin-up procède devant nous à sa renaissance.
Au cœur du faste architectural de l’église du Très-Saint-Rédempteur, sous la guidance d’un prêtre-narrateur, une succession d’actes au symbolisme puissant éclaire sa trajectoire personnelle. Transition de genre, sacrifice socio-médical et émancipation sont métaphorisés par un cortège de danseur·se·s se vautrant, tout comme celle que l’on surnomme la « reine de Montréal », dans l’outrance et la démesure.
Avec AUTOGYNEGAMY : Au nom du père, du fils et du sain d’esprit, Elle Barbara s’offre tous les rituels, faisant ultimement du public les convives d’une cérémonie nuptiale digne d’un conte de fées, une magistrale célébration d’amour de soi et de confiance.
Une production de Danse-Cité
Direction artistique Elle Barbara
Interprétation Elle Barbara + Angélique Delorme + Amandine Garrido + Ben Harvey + Ericka Julie Jean Louis + Motrya Kozbur + Nyda Kwasowsky + Sarah Lefebvre + Jontae McCrory + Gabriel Olivella + Daniel Parent + H. Nigel Thomas
Chorégraphié avec Sasha Kleinplatz
Coautrice Enora Rivière
Dramaturgie de production Raja Feather Kelly
Conception sonore Markus Lake
Scénographie Marilène Bastien
Costumes Elen Ewing
Lumières Jon Cleveland
Direction de production et direction technique Samuel Thériault
Assistance à la mise en scène Alexie Pommier
Assistance aux costumes Pascale Bassani
Maquillage Véronique St-Germain, Micaela Alleyne
Effets spéciaux Rémy Couture
Coproduction Festival TransAmériques + Elle Barbara + Fonds national de création du Centre national des Arts
Coprésenté par Festival TransAmériques + Danse-Cité, en association avec le Théâtre Adam - Église Très-Saint-Rédempteur
La création de cette œuvre est rendue possible grâce au soutien financier de : Conseil des arts et des lettres du Québec
Programmé à Danse-Cité par Sophie Corriveau et Winnie Ho
Création au Festival TransAmériques, le 28 mai 2025
Rédaction Sara Fauteux
Traduction David Dalgleish
Issue du monde de la nuit, Elle Barbara est une artiste pluridisciplinaire autodidacte active dans les domaines de la musique, de la danse, de la vidéo et de la performance. Comme musicienne, elle se fait connaître au tournant des années 2010 avec un son qui entrelace la pop sophistiquée, le jazz, le soul et le glam. Son groupe, Elle Barbara’s Black Space, lui permet de se recentrer en tant que personne noire transféminine tout en œuvrant à combattre le racisme encore présent dans les milieux musicaux et artistiques. Aux côtés de cette formation musicale, elle présente l’événement musical Elle’s Black Space Mission : An Afrodiasporic Odyssey au MAI (Montréal, arts interculturels) en 2018.
La House of Barbara, qu’elle fonde en 2019, est un espace artistique et communautaire s’inscrivant dans la tradition des « maisons » de la culture ballroom, qui a émergé à New York à la fin des années 1960 en réponse aux oppressions vécues par les personnes queers, trans, gaies, noires et latinas. En 2021, avec de jeunes artistes membres de cette maison, Elle Barbara crée Ayibobo III : Little Dollhouse on the Prairie, à La Chapelle Scènes Contemporaines. En 2025, en plus de mettre au monde sa création AUTOGYNEGAMY : Au nom du père, du fils et du sain d’esprit, celle qui a partagé la scène avec Madonna au cours de son dernier passage à Montréal lancera également son premier album en une décennie.
ENTRETIEN AVEC Elle Barbara
Que veut dire « Autogynegamy » et d’où vient ce mot ?
Il s’agit d’une formule que j’ai inventée en combinant les mots grecs αὐτό (« auto »), qui veut dire soi ou soi-même, γυνή (« gyn »), qui renvoie à la femme, et γάμος (« gamie »), signifiant mariage ou union. En français, ça pourrait être « autogynégamie », mais j’ai voulu choisir un nom qui puisse fonctionner partout sans traduction. Il s’agit également d’une référence à une typologie psychologique controversée établie par le chercheur canado-américain Ray Blanchard dans les années 1980. À la suite de recherches auprès de personnes transféminines, Blanchard a divisé les sujets en deux groupes. D’un côté, il y aurait les sujets « transsexuels homosexuels », dont la transition du genre masculin au genre féminin serait causée par l’homosexualité. De l’autre, les « transsexuels non homosexuels », qui serait « autogynéphiles », donc sexuellement excités par leur image en femme, attirance qu’il présente comme une paraphilie, c’est-à-dire une pratique sexuelle atypique, voire anormale.
À ce jour, cette théorie est encore discutée dans le milieu trans, et son vocabulaire, de plus en plus récupérée par des médias populaires. Cela pose un problème parce que beaucoup de personnes trans, notamment des militant·e·s et des activistes, s’y opposent vivement. Pour elles·eux, cette catégorisation pathologise un grand segment de la population trans. Le nom de mon spectacle fait donc aussi référence à cette typologie : puisque je m’y épouse moi-même, plutôt que d’être un cas d’« autogynéphilie », c’en est un d’« autogynégamie » !
Que représente cet automariage pour vous ?
Depuis l’enfance, j’ai toujours voulu un mariage de conte de fées… Alors je me l’offre à travers ce spectacle, et de manière grandiose, avec l’église, la traîne, les invité·e·s et tout ! J’aurais pu trouver quelqu’un avec qui me marier pour la performance, mais plus j’y réfléchissais et plus je me disais qu’au final, m’unir à moi-même était plus signifiant. Comme plusieurs, je tente de divorcer d’avec l’idée que mon bonheur doit être construit autour du couple. Je pense que ce modèle social demande à être réinventé. Aujourd’hui, alors que le capitalisme et l’avènement continuel de nouvelles technologies sont omniprésents dans nos modes de vie, on est sans doute de plus en plus porté·e·s vers un individualisme qui nous isole et rend encore plus ardu qu’auparavant le fait de trouver un·e partenaire. Pourtant, la société renvoie l’image d’un échec aux célibataires. À l’instar de plusieurs femmes, je décide de voir les choses autrement et de m’accorder cet amour à moi-même. En ce sens, cet engagement constitue un acte d’empuissancement.
Légalement, l’automariage n’est pas encore reconnu. En parallèle au spectacle, j’ai donc entamé des démarches juridiques afin de voir jusqu’où l’on pouvait pousser cet acte performatif. Ma collaboratrice Enora Rivière qualifie ma démarche de juridico-esthétique et je pense que c’est très juste ! Mais franchement, il s’agit surtout d’un acte de guérison et de réconciliation personnelle. Afin de m’auto-déclarer un amour éternel, je dois savoir me pardonner, m’aimer et avoir le courage de faire le point sur mon histoire.
Vous êtes une autodidacte au parcours artistique libre et pluriel. Comment AUTOGYNEGAMY : Au nom du père, du fils et du sain d’esprit est-il à l’image de votre esprit créatif ?
Je suis en effet une touche-à-tout. Je ne me spécialise en rien, mais je m’intéresse à plusieurs choses et ce spectacle reflète l’éventail très large de mes intérêts. Évidemment, j’adore la musique et le chant, que je pratique depuis longtemps, mais AUTOGYNEGAMY met de l’avant plusieurs autres langages artistiques. J’ai une affinité naturelle pour le maximalisme, pour l’exubérance, et je voulais d’une performance démesurée et magistrale dans son esthétisme. Depuis le tout début du processus, j’ai une idée excessivement claire de ce que je veux faire et j’aime m’impliquer dans tous les aspects de la production, puisque chacun selon moi s’inscrit dans une logique de création. Cela dit, je me suis entourée d’une importante équipe de collaborateur·ice·s qui possède chacun·e leur expertise spécifique. AUTOGYNEGAMY constitue en quelque sorte l’aboutissement d’une démarche à la fois professionnelle, artistique et personnelle. Je n’avais d’autre choix que d’y aller à fond !
Dates :
28 mai 2025 - 21h00 * En français
29 mai 2025 21h00 * En français
31 mai 2025 21h00 * En anglais
Lieu :
Théâtre Adam – Église Très-Saint-Rédempteur
3530 Rue Adam
Montréal, QC H1W 1Y7